Policiers, pompiers et urgentistes franciliens lancent une campagne
de sensibilisation.
Les services d'urgence parisiens tirent la sonnette d'alarme.
Submergés d'appels abusifs, les pompiers sont lassés d'être sollicités
pour libérer un animal domestique coincé sur un toit ou pour jouer les
serruriers le dimanche soir. Les policiers avouent leur abattement
d'envoyer une patrouille pour un vague tapage chez le voisin. Et les
urgentistes du Samu se disent ulcérés d'intervenir pour une entorse ou
un rhume mal soigné. Face à l'asphyxie qui guette les secours
parisiens, le préfet de police de Paris, Michel Gaudin, a dévoilé jeudi
une nouvelle campagne pour que les particuliers composent avec plus de
discernement le 15, le 17 et le 18. Une initiative citoyenne à laquelle a
été associée la Mairie de Paris qui, dès lundi prochain, mettra à
disposition 900 panneaux Decaux, tandis que 5.000 affiches fleuriront
dans tous les services administratifs. Sous une photo éloquente, le
slogan, à la manière de ceux apparaissant sur les paquets de cigarettes,
scande : «Abuser des numéros d'urgence nuit gravement à ceux qui en ont
besoin. Les premiers secours, c'est pas pour jouer !». «Chaque appel
injustifié retarde le secours d'une personne en détresse, déplorent les
responsables des secours au public. La hausse record des appels reçus ne
correspond pas à un accroissement des situations d'urgence. Elle est
avant tout provoquée par un phénomène de déresponsabilisation de
certains appelants.» Le constat est sans appel : l'année
dernière, les sapeurs-pompiers de Paris ont enregistré 14.000 fausses
alertes. «La brigade est à la peine : nous avons atteint la saturation
de tous nos vecteurs d'intervention, déplore le général Joël Prieur.
L'appel d'urgence ne doit être composé qu'en cas de détresse vitale,
lorsque la victime a la sens ation qu'elle risque de périr dans le quart
d'heure. Nul besoin d'avoir fait des études de médecine pour constater
un arrêt cardiaque, une électrocution ou encore une rupture des
membres…» Aux yeux du patron des soldats du feu en région parisienne, il
est devenu impérieux de laisser aux médecins et infirmiers libéraux,
ainsi qu'aux sociétés d'assistance privée de type «SOS», le soin de
prendre en charge les «entorses lors d'un match de football du dimanche
ou tous les problèmes de bobologie qui envahissent nos standards».
Signalant que «25% des appels ne correspondent pas à une situation
d'urgence» et que des «véhicules de secours valant 85.000 euros ne sont
pas des taxis», le général Prieur a brocardé la montée en puissance «des
procéduriers qui appellent les pompiers des dizaines de fois par jour
pour se faire délivrer un papier officiel afin d'obtenir une ITT après
un accident léger». Sans fard, le commandant de la brigade a aussi
pourfendu les «obsédés du principe de précaution», pointant du doigt
ceux de «l'Éducation nationale qui appellent les pompiers pour un bleu
ou un genou couronné dans la cour de récré...» «Nous recevons maintenant
7.000 appels par jour et 5% d'entre eux sont abusifs ou erronés», a
renchéri de son côté le professeur Pierre Carli, directeur du Samu, qui
doit composer avec un parc limité à 50 ambulances et véhicules de
secours dédiés à l'intervention 24 heures/24. L'inflation des
requêtes a aussi affecté «police secours», dont le nombre
d'interventions a explosé de 83% en cinq ans. «Nous avons traité
528.000 appels l'année dernière, a noté Alain Gardère, directeur de la
sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP). Outre les
gens qui veulent rompre avec la solitude, nous avons dû gérer un grand
nombre d'appels malveillants», à l'image d'une procédure en cours où un
individu a fait le 17 à 609 reprises. Ou d'un déséquilibré, récemment
interpellé, qui affirmait que des cabines téléphoniques étaient piégées.
«En dépit de leur anonymat, nous avons les moyens techniques de
remonter la trace des interlocuteurs», a confié Alain Gardère qui a
précisé que les sanctions pénales pouvaient aller jusqu'à 7.500 euros
d'amende et six mois d'emprisonnement. À l'instar de Georges Sarre,
adjoint au maire chargé de la sécurité, Michel Gaudin a insisté sur le
fait «d'appeler mieux». La survie de centaines victimes est à ce prix.
Source: Le Figaro - France